Voix de FUKUSHIMA Vol.2 Rev. Tokuun TANAKA

Je fais un petit saut dans le temps. 6 mois après le tremblement de terre, en juin, j’ai reçu l’autorisation d’entrer dans le temple qui était dans la région interdite. J’ai pris des photos du temple dévasté et j’ai négocié avec JAIF (Centre de Coopération Nucléaire International) pour commencer le nettoyage en octobre avec les fidèles. Jusqu’à la veille du nettoyage je négociais pour pouvoir entrer dans la région interdite. Il y avait beaucoup d’inconvénients. Il n’y avait rien, ni eau ni électricité、il fallait apporter nos déjeuners et nos outils et nous efforcer de tout nettoyer . Plus tard jusqu’à maintenant nous avons continué à nettoyer les 1er et 15eme de chaque mois. Après chaque nettoyage nous déjeunions et buvions du thé ensemble. Un jour, à la fête des étoiles (Tanabata) mon fils âgé de 5 ans que j’avais laissé à Fukui, avait écrit selon la coutume un désir sur une bande de papier qui était “Je veux rentrer”.
Mon épouse et moi ne savions pas quoi faire. Nos enfants ne nous avaient jamais révélé leurs inquiétudes. Ils désiraient que nous vivions tous ensemble.
Soudain nos grands-parents et nos amis avions tous perdus notre rythme de vie habituel, séparés, nous n’avions pas encore retrouvé notre vie normale. Maintenant nous créons des opportunités de nous retrouver entre amis pendant les longs congés comme les vacances d’été. Nous espérons que ces rencontres vont continuer tous les ans. Les enfants se retrouvant après un long moment, se sentent nerveux au début puis ils se mettent à parler et s’entendent bien.

Nous sommes à la fois victimes du tremblement de terre et aides-soignants, et en plus des religieux qui soutiennent le moral. « Shukyô » est le terme japonais religion. A l’origine son sens est le fait de relier au niveau de la vie. Joindre les mains chaque matin et chaque soir en disant une prière fait partie de la vie au Japon. Ce sont les gens d’une même région et qui ont les pieds sur terre qui peuvent s’aider les uns les autres.
Les humains sont des animaux qui font du feu, c’est le processus de l’évolution. Cependant nous ne pouvons pas allumer un feu, si nous le faisons on va nous dénoncer. Peut-être que cela symbolise notre monde où nous humains avons fait des erreurs dans l’utilisation du feu. Nous sommes des réfugiés fuyant un feu nucléaire.

Bien que de façon diminuée la tradition du nomaoi a continué après le 11 mars 2011. Pour les habitants de la région, c’est un signe fort de ne pas vouloir perdre ce qui a été une célébration, depuis 1000ans.
Pour la fête du « Obon » de 2012 (fête bouddhiste qui honore les esprits des ancêtres vers le 15 juillet dans l’Est et Nord Est du Japon), un grand nombre de personnes sont venues pour les cérémonies de commémoration. Ce qui était terrible c’était le nombre de rats dans la cuisine du temple. Rien n’avait été réparé. Il y avait beaucoup de rats après l’absence de présence humaine pendant 2 ans. Par une nuit de pleine lune on pouvait en sentir les secousses. La première chose que j’avais faite en arrivant au temple avait été de siffler et de jouer du tambour pour avertir les rats de notre présence.

Le problème de notre région était le niveau trop élevé de radioactivité par rapport aux normes de sécurité pour l’eau et la nourriture. Évacuer ou rester, les deux sont durs. J’ai fait l’expérience de vivre séparé de ma famille entre Fukui et Fukushima. Rentrer à la maison sachant le risque de l’exposition aux radiations pour nos enfants était douloureux. Ne pas pouvoir avoir une vie ordinaire, nous a mis dans un état de désespoir.
Ma femme pleurait, mes enfants pleuraient. Ils ne voulaient pas partir, ils ne voulaient pas changer d’école. Mais après 2 ans à Fukui, mes enfants s’étaient habitués et pouvaient même parler le dialecte de Fukui. Quitter Fukui a été dur pour eux, beaucoup d’enfants en font l’expérience. C’est la situation actuelle.

Un autre problème celui de l’indemnité. J’ai envoyé une demande pour couvrir les dépenses d’évacuation après avoir discuté de nombreuses fois avec le personnel de la Tokyo Electric Power Company par l’intermédiaire de mon avocat. Cependant, ma demande a toujours été rejetée. J’ai envoyé les documents requis quatre fois en un an et demi, mais ils n’ont jamais été acceptés. Pour toute raison avancée, ils disent que ce sont des présomptions. Ils s’en tiennent aux normes concernant la protection des radiations. Ce sont ceux qui nous ont poussés à être exposés aux radiations qui décident des standards de sécurité. On ne peut qu’accepter leurs normes. IAEA (International Atomic Energy Agency) et ICRP (International Commission on Radiological Protection) sont deux organisations qui protègent les industries nucléaires, même la WHO (World Health Organisation) est sous influence des deux derniers et nous ne pouvons pas dire que c’est une organisation neutre et juste. Je vous prie de ne pas oublier que ces organisations font toutes la promotion des centrales nucléaires. Nous avons tous le droit de ne pas être exposés aux radiations. Nous n’avons pas besoin des centrales nucléaires. Nous devrions avoir la liberté de les accepter ou non.