Voix de Fukushima Vol.4 M. Yuichiro SATO

Au moment où nous quittions la maison, la poutre et les tuiles du toit sont tombées. Des pans de mur en béton s’effondraient. C’était extrêmement dangereux. J’ai regardé autour de moi et vu des routes qui se fendaient, des maisons qui tombaient, cela ressemblait à l’enfer. Quand le séisme a été moins violent, j’ai sorti la voiture du garage et conduit ma belle-mère dans un endroit sûr. Puis je suis retourné m’occuper des autres personnes âgées du voisinage. Heureusement tout le monde allait bien.
Par la suite nous avons subi les répliques sismiques. Elles étaient terribles. Des bruits parvenaient des maisons. Quelque chose tombait à l’intérieur. La nuit avançait mais il n’y avait aucune lumière à cause de l’interruption du courant électrique. J’ai mis en marche le moteur de ma voiture, que j’avais garée devant la maison, et allumé l’écran de la télé. C’est à ce moment-là que j’ai pris connaissance de l’ampleur du désastre. Un séisme de magnitude 9.0. J’ai vu la vague du tsunami rouler par-dessus les digues de protection et s’enfoncer en écrasant les maisons, les voitures et les gens. L’eau avait balayé des villes entières. Je me suis rendu compte de toute la gravité du désastre ce soir-là au travers de la télé, et j’étais pris de terreur une fois encore.
Plus tard j’étais bouleversé. La télévision montrait des images de la dévastation le long de la côte et dans le port de Ukedo. Tout était détruit: automobiles, maisons, sur toute la rive. Des morts étaient annoncées. De nombreuses personnes se rendaient dans le gymnase local qui servait d’abri d’évacuation. D’autres résidents arrivaient dans les écoles. C’était horrible.
Il faisait complètement nuit mais le noir, la faim et la peur des répliques nous empêchaient tous de dormir. Retourner dans la maison était hors de question, c’est pourquoi nous sommes restés dans la voiture jusqu’au matin. Le manque de sommeil, la peur et la fatigue m’empêchaient de penser clairement mais je pense qu’il devait être 6h15 le 12 mars quand le haut-parleur de la ville a commencé à crier: “Urgence! Urgence! Il faut évacuer!” Sans trop savoir ce qui se passait, j’ai rassemblé ma famille dans la voiture, mais dès que nous avons rejoint l’autoroute nationale, la circulation était complètement bouchée. Ce qui aurait dû normalement prendre 30 minutes nous a pris trois heures, avant que nous n’arrivions finalement au centre d’évacuation du lycée de Tsushima. Le gymnase du lycée était rempli entièrement des habitants de Namie. J’ai essayé de joindre mes frères et soeurs et ma famille avec mon portable, mais la communication ne passait pas à cause de la mauvaise réception. Il n’y avait absolument aucun contact avec l’extérieur. Sans aucun accès à l’information, notre confiance dans le système social, qui nous donnait la sensation d’être en sécurité et sureté, a été sérieusement ébranlée le 12 mars 2011.