Le 15 mars au matin, la ville a publié une directive dans le but d’évacuer Tsushima. Le plan était de se rendre à la ville de Nihonmatsu. On nous a dit que Nihonmatsu était déjà bondée de gens venus de Namie, et que donc nous n’étions pas sûr de pouvoir nous y rendre, y rester, ni même y trouver de la nourriture, de toute façon nous devions suivre les instructions données. On nous a demandé d’évacuer en voiture ou en bus mais les animaux de compagnie n’étaient pas autorisés dans les bus. Nous avions un animal et notre voiture avait un peu d’essence, et si se rendre à Nihonmatsu n’était pas une garantie, nous avons pensé que nous pourrions téléphoner à des membres de notre famille dans la ville de Fukushima. J’ai demandé à ma femme et à ma belle-mère si elles acceptaient le risque de nous retrouver en panne d’essence. D’un signe de tête elles ont dit oui. Notre animal domestique faisait partie de la famille, nous ne pouvions pas l’abandonner. J’ai essayé de téléphoner à nos parents à Fukushima pour leur annoncer notre arrivée, mais sans succès. Nous n’avions pas d’autre choix que d’y aller sans les prévenir. Nous ne pensions pas avoir assez d’essence, mais la route était descendante dans plusieurs endroits et nous sommes arrivés sans problème. Dès notre arrivée en ville, nos portables étaient connectés et nous avons pu vérifier que nos enfants et nos familles étaient en sécurité. Depuis le 11 mars mon frère aîné était sans nouvelle de sa fille de 25 ans. Immédiatement nous avons rendu visite à nos parents leur racontant ce qui s’était passé. Nous les avons questionnés au sujet de Namie et une fois de plus nous avons pris conscience de la gravité de la situation, le séisme, le tsunami et l’accident à la centrale nucléaire. Nous sommes restés un mois chez nos parents. Je leur suis très reconnaissant de nous avoir gardé une pièce. Malgré les dégâts que leur maison avait subis, suite au séisme, ils nous ont offert les repas, du kérosène pour le chauffage et ils nous ont permis de prendre des bains. Les mots ne peuvent pas exprimer notre gratitude. Puis nous sommes allés vivre à Shiki No Sato dans Inawashiro (un hôtel utilisé comme refuge au centre de la préfecture de Fukushima). Nous trois et notre chien y sommes allés le 11 avril et nous y sommes restés pendant 5 mois. Depuis nous vivons dans un logement temporaire à Miyashiro.
Quand je réfléchis à ce que nous avons vécu pendant un an, je peux dire que
pour parer à toute urgence, nos réserves ordinaires devaient être constituées de nourriture, d’eau, d’une radio, de papier toilette, d’articles de toilette, de liquidités de carte de crédit. Nous devrions aussi toujours faire le plein de la voiture, et si possible avoir un jerricane prêt. Les lampes de poche et les portables sont très utiles quand on voyage de nuit. Essayez de garder ces articles dans un endroit facile d’accès, pour en cas d’urgence.
Ensuite nous devons aménager nos maisons afin qu’elles résistent aux séismes, sécuriser les placards et les meubles avec des sangles fixées aux clous des murs, mettre les objets dangereux hors de portée de notre tête avant de dormir. J’aimerais aussi recommander de sécuriser les tuiles du toit afin qu’elles ne tombent pas, se protéger la tête quand on sort de chez soi et rester éloigné des murs et entrées construits en blocs de béton. Se protéger est le plus important : mais s’il vous arrive quelque chose, avoir une carte d’identité sur vous est très important. La fille de mon frère a été retrouvée deux semaines plus tard, dans une voiture, mais son corps était si abîmé que nous n’avons pu l’identifier que grâce à son permis de conduire.
Nous résidents de Namie supportons des moments difficiles, pas seulement à cause de la catastrophe naturelle, mais parce que le mythe de la sécurité du nucléaire a été détruit suite à une erreur humaine. Les radiations de la centrale nucléaire sont la cause des dommages, non seulement envers les communautés où elle est située mais pour la région de Fukushima et aussi pour tout le Japon. On nous dit que l’explosion à la centrale a été provoquée par le séisme et le tsunami et l’ampleur des dégâts était imprédictible, mais être en sécurité veut dire être prêt à toute éventualité n’est- ce- pas ? Sans l’explosion des réacteurs de la centrale et des radiations nous aurions pu agir pour sauver les 184 personnes décédées suite au tsunami. La police locale et les pompiers ont aidé beaucoup de survivants. Ils ont travaillé dur et ont sauvé des vies humaines. Les sauveteurs ont dit qu’ils auraient pu sauver davantage de personnes s’il n’y avait pas eu l’explosion le samedi 12mars. Les responsables de la ville ont dit aussi qu’ils ont attendu jusqu’à la dernière minute pour annoncer le plan d’évacuation aux sauveteurs. J’ai appris qu’ils étaient au bord des larmes quand ils ont donné l’ordre d’arrêter les recherches et d’évacuer.