Voix de Fukushima Vol.7 Mme Mikiko MATSUNO

L’endroit où nous nous étions mis à l’abri est devenait notre abri d’urgence
Plus tard, j’ai appris ce qui s’était passé à l’école. C’était un vieillard local qui, disant alors : « Avant, cette colline était connue comme d’urgence centre d’évacuation ! Vous cherchez à tuer mon petit-fils ? », avait indiqué la colline appelée Sakuradayama, d’après ce que j’ai entendu.
Au milieu de toute cette tragédie, si personne n’avait été emporté, c’était grâce à ce vieillard et au directeur d’école qui, se fiant à la sagesse des gens d’autrefois, avait aussitôt décidé de changer d’abri. Ils nous avaient véritablement sauvés la vie.
La personne qui avait enlevé la barrière de l’école a disparu suite au tsunami. On ne connaît toujours pas la raison pour laquelle elle l’avait enlevée, car sa voiture a été retrouvée à l’extérieur de la cour. C’était une personne très proche de moi, de mon mari, et des enfants. Ce soir-là, cet endroit où nous étions est devenu notre abri d’urgence.
C’est là que nous avons passé la nuit, malgré les répliques d’intensité 4 ou plus qui faisaient sangloter de peur les enfants. A chaque réplique, certains sortaient. Ceux qui restaient sans nouvelles de leurs familles pleuraient. La situation était si pénible que je n’avais qu’une seule envie : c’était de quitter cet endroit. Tôt le lendemain matin, emmenant avec moi les enfants, je me suis dirigée vers la maison de ma sœur aînée qui habitait dans la ville voisine. Même si toute ma famille fût saine et sauf, à l’abri, il y avait beaucoup de personnes qui avaient perdu leur famille ou leurs proches.
Dans le quartier même où j’habitais, beaucoup de personnes ont perdu la vie.

Séparation douloureuse avec les enfants
Chez ma sœur, alors que j’étais à court d’énergie et de temps pour penser à l’avenir, le 12 mars, le réacteur n°1 de Fukushima Centrale Nucléaire a explosé. Pourquoi un tel enchaînement d’épreuves ? Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Ce sont les pensées qui m’emportaient alors.
Le futur des enfants et l’inquiétude sur la contamination, l’incertitude sur l’état de mon mari, mon beau-père atteint de cancer en phase terminale. Comment prioriser ? C’était un vrai dilemme. Vu la situation, on a alors décidé d’évacuer mon neveu à Hokkaido (au nord du Japon).
Ma sœur lui a dit : « Fais attention. Quoiqu’il arrive, protège ta famille et prends soin de toi ! » C’était le message de ma sœur tout en pensant que ce serait peut-être un adieu. Le lendemain, son frère cadet nous a rejoints à la maison de ma sœur pour suivre son frère aîné à Hokkaido et s’en occuper.
Comme je voulais sauver au moins mes enfants, j’ai dit presque contre mon gré à mon neveu sur le point d’évacuer « Emmène mes enfants avec toi ! »
Peut-être ne pourrais-je jamais les rejoindre si la centrale explosait de nouveau. J’étais résignée à mourir. Si c’était le cas, je ne pourrais plus prendre soin d’eux, ni jamais les revoir. Ils deviendraient peut-être des orphelins. Pourtant je voulais les sauver. Le moment le plus difficile pendant cette catastrophe, c’était cette séparation avec mes enfants. Certains pensent que j’aurais pu les accompagner.